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Le Contemporain
12 mai 2008

Le retour du refoulé

Il est maintenant de notoriété publique que les soldats revenus d’Irak souffrent d’un mal particulier, mystérieuses visions qui reviennent les hanter à l’improviste. Un témoignage reproduit dans le New-Yorker (19 mai, article de Sue Alpern) : « J’évite les foules, j’évite de conduire, j’évite de sortir la nuit. J’évite les gens qui n’étaient pas de l’infanterie, qui n’ont pas saigné, été mourants, qui ne sont pas restés des semaines et des mois sans prendre de douche, mangeant de la M.R.E. »

 

MRE_contents

 

On touche ici du doigt une des raisons fondamentales du « Post-traumatic Stress Disorder » (P.T.S.D) dont souffrent 20% des vétérans d’Irak et d’Afghanistan : l’angoisse de la M.R.E. En effet, l’aliment de base du soldat en opérations est une substance particulière, très dense, officiellement désignée sous le titre « Meal, Ready-to-Eat ». Organisées par paquets de 5000 kJ, les rations sont peu appréciées parmi les troupiers américains. « Plus jamais ça ! », semblent dire les revenants. La créativité états-unienne ne s’est pas démentie dans le large spectre de surnoms fondés sur l’acronyme M.R.E, dont le moindre n’est pas : « Meals Rejected by Everyone ». Et le témoignage reproduit ci-dessus ne laisse aucun doute sur le lien de causalité de la MRE au PTSD. La perte de poids liée à la dépression post-traumatique constitue déjà un signe qui ne tromperait pas un psychanalyste bien entraîné : cherchez le beefsteak ! Ce sont des problèmes cruciaux liés à la technique du corps qui sont investis, puisqu’une des critiques majeures adressée à la MRE se reflète dans le surnom : « Meals Refusing to Exit ». La stratégie militaire ne peut dépasser les conditions biologiques élémentaires. Le digestif s’impose à la croisade, serait-elle la plus à la pointe du progrès. Michel Foucault, grand prophète parmi les prophètes, l’avait positivement annoncé, lui qui soulignait : « Pour la première fois sans doute dans l’histoire, le biologique se réfléchit dans la politique; le fait de vivre n’est plus ce soubassement inaccessible qui n’émerge que de temps en temps, dans le hasard de la mort et sa fatalité; il passe pour une part dans le champ de contrôle du savoir et d’intervention du pouvoir. » (Histoire de la sexualité, Tome 1, p.187)

 

ration_de_combat_individuelle_rechauffable_rcir

 

Le bien-être et la force d’une armée passent donc par l'œsophage. C’est une nouvelle occurrence du problème malthusien et de la question que je posai dans le précédent post : « qu’est-ce qui est premier ? » Sans chauvinisme exagéré, concluons en tout cas que les 13400 kJ des rations de combat préparées par l’armée française semblent plus attrayantes qu’une portion M.R.E !

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